Contes immoraux - partie 1 : maison mère

Création le 2 juillet 2017 à la documenta 14 de Kassel (Allemagne)

Crédit : Christophe Raynaud de Lage

Présentation



Kassel/Athènes/Paris, un triangle, un trépied, des allers/retours entre surface et profondeur.

Bâtir sans fondement, faire parler les ruines, convoquer les dieux et déesses, s’apprêter pour des oracles, batailler sur le résultat, enfreindre la patine du marbre, régurgiter la peste brune, que sais-je ?

Kassel/Athènes. Ces endroits ne sont pas les miens. Leurs langues me sont l’une et l’autre sans prise. Pourtant je ne me sens pas étrangère, mais passagère. A l’échelle d’un individu je suis une migrante confortable, du type bourgeoise bohème française. Rien, hormis mon certificat de naissance ne trahit ma migration. Je suis de celles qui se sont autorisées à perdre les pleins pouvoirs pour continuer à vivre. J’ai pris le rôle du faible alors que j’héritais des chromosomes des rois. J’ai choisi d’assumer le rôle de l’opiniâtre qui cherche à faire comprendre la nécessité de repenser le corps comme une matière meuble. Je migre d’un statut vers un autre en demandant des aménagements de peines…

Dans cette nouvelle vie, j’avance au quotidien sur des pierres émergeantes, balançant d’un pas sur l’autre sans être sûre que mes appuis ne me trahissent ! Apprendre est moins conflictuel que désapprendre, je le sens. J’ai été forcée à coller mes gestes à mon apparence pendant une adolescence sans fin. C’est la femme que j’ai gardée secrète, qui m’a rendue adulte. Apprendre à être son sexe n’est rien, c’est juste une méthode pour caser ou savoir se caser. J’ai rompu la chaîne, j’ai repoussé la berge de mon pied, j’aime les sols mous parce qu’au moins ce n’est pas le corps qui épouse la forme mais la matière qui s’adapte au corps. Pourtant le minéral m’attire, il griffe mon épiderme et fait apparaître mon sang. Je suis pleine du sang, d’une colère contenue par la peau. Seul le sang n’a pas les mêmes frontières. Mon pays est B+, vous ne pouvez pas le lire sur mon visage, seuls les B+ savent qu’ils sont du même endroit. A Kassel/Athènes/Paris, les B+ ne se connaissent pas, ne parlent pas la même langue, mais au moins ils se savent importants les uns envers les autres. A cet endroit, l’identité est une mécanique imparable et sans mensonge.

Ce sont les maux jaillissant des peuples dépossédés qui me font écrire, ceux des corps en contradiction entre leur désir de liberté individuelle et de l’affirmation d’une société. Je cherche l’odeur qui les identifie. Je m’imprègne de la sueur du troupeau qui lutte pour rester en vie alors que les bourreaux resserrent l’enclos du pouvoir entre leurs mains ! J’ai comme vous hérité de l’histoire d’une Europe du conflit, le sang est devenu une vapeur mais comme un volcan qui refait ses réserves, un puits se remplit, silencieux. Un nouveau chaos semble se préparer, ou peut-être n’a-t-il jamais cessé de grossir… 1971, 1986, 1989, 2001, 2015. Naître, Tchernobyl, la chute du mur, Patriot Act, fin du choix démocratique en Grèce. Le chemin de ma pensée est une jungle en réappropriation.

2016 : invitation de la documenta 14…

Le projet initial comportait trois performances, dont « Maison Mère » est la première. Les deux suivantes, dont le projet a été finalisé en juillet 2021 avec la création de La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe) au Festival d’Avignon, ont pour titre «Temple Père» et «La Rencontre Interdite». Bien que le titre provisoire du projet global était « Les Contes immoraux », il n’y aura pas de morale, encore moins de didactisme. Les questions que soulevait la proposition de la documenta 14 : « Apprendre d’Athènes», « Pour un parlement des Corps » s’entrechoquaient avec les réflexions sur l’identité, le corps, la matière qui sont mes bases de recherche. Imaginer une forme pour ces deux points de chute que sont Kassel et Athènes, était un exercice de grand écart. Ce n’est pas par l’immersion dans ces cités que j’ai nourri ma base de travail, celle-ci demanderait un temps en amont bien plus long que celui dont je disposais. La lecture, la recherche, le dialogue, la plongée dans les matières, de manière empirique étaient mon processus de création. Mon prisme est une série d’éléments qui oscillent entre gestes politiques, affirmation d’un corps, contradiction des éléments.

La tournée tournée de La Trilogie des Contes Immoraux (pour Europe) s’est achevée en avril 2023 après 55 représentations.

Celle de Contes Immoraux - Partie 1 : Maison Mère se poursuit

J’interprète la performance in-situ, entourée de l’équipe de Non Nova pour sa mise en œuvre. Les recherches et la construction ont été réalisées à Nantes dans notre atelier. L’ensemble des matériaux et éléments de technique scénographique seront convoyés sur les lieux de performances depuis Nantes.
Générique

Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault Écriture et mise en scène
Phia Ménard Scénographie
Phia Ménard Interprétation
Ivan Roussel Composition sonore
Ivan Roussel, Mateo Provost Régie son, en alternance
Rodolphe Thibaud, David Leblanc, Clarisse Delile, Ludovic Losquin Régie plateau, en alternance
Fabrice Ilia Leroy Costumes et accessoires
Jean-Luc Beaujault Photographies
Olivier Gicquiaud Régisseur général de la compagnie
Claire Massonnet Co-directrice, administratrice et chargée de diffusion
Justine Dufief Assistante d’administration et de production
Justine Lasserrade Chargée de communication et de production

Mentions

Production Compagnie Non Nova - Phia Ménard

Coproduction documenta 14 - Kassel et Le Carré, Scène nationale et Centre d’Art contemporain de Château-Gontier.

La présentation de la performance dans le cadre de la documenta 14 en juillet 2017 a été possible grâce au soutien de l’Institut Français et de la Ville de Nantes.

Les Contes Immoraux - Partie 1 : Maison Mère a reçu le Grand Prix du Jury au 53BITEF19 - Belgrade International Theatre Festival 2019.

Le 22 juin 2020, Le Syndicat de la critique théâtre, danse et musique a décerné à la Compagnie Non Nova Phia Ménard le prix de la critique dans la catégorie Danse – Performance


Durée : 1h15 environ

Âge : tout public